CLASSIQUE, CLASSIQUES Notice 1- Mars 2010 Albert Camus: "Les justes".

« Les justes » est une pièce de théâtre qui peut constituer une bonne introduction à l'oeuvre d'Albert Camus. Le thème est approchant de celui traité l'année précédente, à savoir en 1948, par Jean-Paul Sartre dans « Les mainssales » : la morale et la politique. On est en droit, légitimement, de préférer la belle mécanique sartrienne, surpuissante et bien rodée, lumineuse et drôle, mais la pièce du cadet vaut cependant le détour.

L'intrigue est simple : dans la Russie tsariste de 1905, un groupe de socialistes révolutionnaires dévolus au terrorisme a choisi d'assassiner le grand-duc. Les débats font rage dans le groupuscule, car si tous sont d'accord sur cette action, ils divergent sur les raisons – et dons sur les modalités. Kaliayev, poète plein de vie, d'humour, d'amour est un terroriste réticent, tandis que Stepan, de retour de déportation est un « homme de fer ». On retrouve les habituelles qualités et défauts de l'auteur, qui ici se déploient comme jamais. Comme souvent, Camus est sensible, généreux, habile, dans le(s) personnage(s) au(x)quel(s) il a donné beaucoup de lui-même, et Kaliayev qui porte les couleurs de l'auteur (incarné lors de la première par un tout jeune Serge Reggiani) est un bien séduisant révolté, plus que révolutionnaire, tant il est déchiré, humain, et joyeux. En revanche, Stepan, celui qui incarne l'option opposée, le justicialisme désincarné, est absolument caricatural ; c'est bien simple, on dirait Darth Vador.

En un mot, on retrouve ici le Camus que l'on aimera – ou moins – dans toutes ses oeuvres ultérieures; un moraliste austère et hautain, une langue généreuse et drapée ; d'aucuns diront : un donneur de leçons insupportable, qui écrit dans un style noble terriblement daté. Ces deux lectures sont moins contradictoires qu'elles ne le croient elles-mêmes.

Albert Camus, « Les justes », Gallimard, 1949.

DISPONIBLE (Folio)

Lecture-vacances

  Document réalisé par L. LE TOUZO, le 25 février 2010