Philosophe internationalement célébré, difficile et ambitieux, intellectuel largement contesté, hargneux et manichéen, Alain Badiou – 73 ans – s'offre dans la dernière ligne droite de sa bibliographie un considérable succès de librairie, avec cet inattendu «Eloge de l'amour». Succès tout à fait mérité, dans la mesure où ce bref livre dense et fluide évite aussi bien l'emphase que le jargon. La forme y aura aidé, sans aucun doute : il s'agit d'un dialogue, organisé durant le Festival d'Avignon 2008, et orchestré par un fin connaisseur de l'oeuvre de Badiou, Nicolas Truong.
L'auteur y commence par un état des lieux du patrimoine philosophique sur ce sujet sensible, opposant selon lui deux grandes écoles : ceux qui font de l'amour l'ennemi de la vérité, et donc de la philosophie, comme source d'illusions, dont le plus représentatif lui semble Arthur Schopenhauer; et ceux qui y trouvent la profondeur d'une expérience subjective décisive, avec en chef de file Sören Kierkegaard. Puis, il affine sa propre conception dans ce domaine, précisant notamment que l'amour est une force de résistance à la marche du monde tel qu'il va : le noeud, ou le noyau, d'une opposition d'ordre politique, en quelque sorte. Enfin, il procède à quelques dégagements – peu convaincants – sur l'usage social de l'amour par les maîtres du monde. Ce livre mince et accessible est une réussite qui rendra peut-être les apprentis philosophes plus sentimentaux, et sans aucun doute, les amoureux plus intelligents.
DISPONIBLE
Document réalisé par L. LE TOUZO, le 2 mars 2010
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