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7 mai 2010 5 07 /05 /mai /2010 11:30

  Dans « roman idéologique », il y a « roman ». Aussi ce « Tigre en papier », narre-t-il une histoire, celle de Martin, ancien gauchiste essayant de narrer les légendaires seventies, tissées de romantisme et d’engagement, à Marie, la fille de son ami mort, pour lequel elle s’essaie à ce que l’on nomme dorénavant « travail du deuil », au cours d’un périple circulaire en DS sur le périph’. Dans un grand désordre extrêmement travaillé, toujours à l’extrême limite de la préciosité, Martin entrelace épisodes burlesques, réminiscences cuistres et interrogations rétrospectivement éberluées. Les trente ans qui séparent cette fresque nostalgique de ce qu’elle décrit eussent suffi à digérer plusieurs vies, et ces pérégrinations mystérieuses, et parfois terrifiantes demeurent incompréhensibles, tant au narrateur délabré qu’à sa jeune interlocutrice.

Drôle de livre, au vrai, aussi séduisant qu’exaspérant,. Un lyrisme urbain de Chateaubriand de conducteur de Citroën réanime des temps lointains, idéologiques et révolus. Ecriture ornée et familière, classicisme métissé d’interjections abruptes ou bonasses. Et, en même temps, un refus paradoxal de transmission aux cadets, ici maquillé de hargne – qu’aura déjà pointé Jean Birnbaum. Drôle de vie, toujours à contretemps : le prix d’excellence, intouchable en version grecque, se fit en ses vertes années négateur et ennemi de sa propre culture, se mortifiant par ce militantisme zélé ; sur le retour d’âge, plein d’usage et de raison – tu parles -, plaidant agressivement pour cet égarement indéfendable, il est devenu simultanément un homme cousu des lieux communs de son époque – la racaille, les SMS, les djeunz, tout ça tout ça -, et un vieil homme de lettres, l’un de ceux qu’il vomissait alors. Moralité ? On prend tant de détours contrariants pour ne pas devenir celui qu’on attend, pour finir malgré tout par se couler docilement dans cette défroque qui vous attendait au coin de votre destinée. La métaphore – lourdingue – de la révolution circulaire autour de Paris finit de se retourner contre son auteur, qui échoue à trouver la rocade lui permettant de quitter son orbe.

Caricaturale et ignorante , la vision des jeunes et du monde qu’il habitent défigure ce que ce beau roman encombré pourrait avoir de passionnant. Bilieux et condescendant, le discours qui s‘incarne dans cette forme, ma foi assez superbe, l’empêche de prendre son ampleur et son envol. L’idéologie du roman n’est pas vraiment la nappe de chantilly – ô nutritionniste – qui orne un dessert, plutôt la couche de moisissure qui la gangrène lorsqu’on l’a trop longtemps oublié dans un placard. Dans « roman idéologique », il y a aussi, hélas, idéologie.

 

Olivier Rolin, « Tigre en papier », Seuil, 2002.

DISPONIBLE.

Lecture-savoir.

Document réalisé par L. LE TOUZO, le 6 mai 2010

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