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5 juin 2013 3 05 /06 /juin /2013 14:11

Une question qui intéresse tous les littéraires, et même tous les lecteurs, est celle qui relie le style à l’intrigue d’un roman. Est-il possible, abstraitement, d’aller jusqu’au bout d’un livre de plus de 500 pages, abominablement écrit, mais dont l’intrigue est passionnante ? Et bien, concrètement, la réponse est oui : tel fut le cas pour « Bloody Miami », le dernier livre de Tom Wolfe.

Inventeur dans les années 60 du « nouveau journalisme », contempteur féroce de ce qu’il a appelé le « gauchisme de Park Avenue », Wolfe a eu des débuts littéraires tardifs, controversés et financièrement triomphants : avec « Le bûcher des vanités », satire vitriolée du royaume faisandé de Wall Street, il décroche un best seller, adapté au cinéma par Brian de Palma, et déclenche les foudres des gardiens du temple : Philip Roth, John  Updike et Norman Mailer descendent de leurs montagnes pour dire tout le mal qu’ils pensent du nouveau venu, leur contemporain pourtant. Ce n’est pas de la  littérature, disent-ils en substance (pour une fois d’accord), c’est du mauvais journalisme, criard, brutal et sensationnaliste.

Updike et Mailer ne sont plus, Dieu merci, là pour voir ça, et Roth ne doit pas seulement être au courant, mais les Wolfe précédents sont des aquarelles botticelliennes comparées à « Bloody Miami ». Tout ce qui est proscrit dès la première heure du premier atelier d’écriture est ici déversé à grandes eaux, comme si la bonde avait lâché, comme si une vesse remontait des profondeurs : onomatopées par dizaines, mots écrits en Majuscule pour en souligner l’importance, commentaires en italique, une espèce de best of du pire. Paradoxalement, les dialogues ne sont pas si mal, et c’est là que tout s’éclaire ; ce n’est pas un roman, plutôt un scénario directement pré-formaté et pré-découpé pour le cinéma – il est sans doute abusif de parler d’adaptation cinématographique, quand le projet a été à ce point premier.                           

Le sujet en outre est brûlant : il s’agit du choc des communautés, à Miami, notamment par l’intermédiaire du maire, hispano, et du chef de la police, noir, qui sont à couteaux tirés. Car il y a tout de même une intrigue. Le personnage principal est un jeune policier d’origine cubaine, costaud et sexy, nommé Nestor Camacho. A la suite d’un exploit sportif, le sauvetage d’un réfugié, il devient, injustement  l’ennemi et le traître de toute sa communauté ; sa fiancée le quitte pour un médecin friqué, m’as-tu-vu, horrible. Lui-même traîne du côté de la ville en surchauffe, entre trafics de drogues et violences ethniques. Un auteur connu, un sujet brûlant, une écriture d’analphabète : bref, un triomphe.

 

 

 

Tom Wolfe, « Bloody Miami », Robert Laffont, 2013.

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