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17 juin 2013 1 17 /06 /juin /2013 14:35

Comme Régis Debray, auquel il s’apparente à plus d’un titre, Erik Orsenna est un écrivain à la fois prolifique et talentueux, célèbre et apprécié : il est en somme, carrière faite, à la tête d’une sorte de PME littéraire. Cela induit une sorte de dédoublement, sinon de schizophrénie, éditorial(e) : à côté de vastes romans ambitieux, amples et maîtrisés, et de petits précis de mondialisation, documentés, curieux et itinérants, pour autant de superbes réussites, il est l’auteur d’une longue saga, moins impeccable, plus anodine, consacrée à la langue française. 

Il s’agit, si l’on peut dire, de sortes de contes pour adultes, dont la langue est l’héroïne principale : Orsenna a succédé à Pivot sur le trône, envié, de premier prof de France. Certes, ces livres, clairement, sont de beaucoup moins ambitieux que les autres, mais ils sont adroits et se laissent lire. C’est, dira-t-on, le côté de Guermantes d’Orsenna, le plus accessible, le plus simple, le plus facile à lire.

Il s’agit déjà du cinquième – et dernier, semble-t-il - volume de cette fresque au long cours commencée par « La grammaire est une chanson douce » en 2001, et couronnée d’un succès mérité, tant l’amour de la pédagogie s’y illustre et s’y déploie. Jeanne, la jeune héroïne, est toujours au centre de l’histoire. Mais cette fois-ci, l’horrible tyran Nécrole, plus Ubu que nature, a pris une décision aussi absurde qu’horrible : trouvant que les citoyens de son île sont trop bavards, et que cela nuit à la productivité de la nation, il décide de réduire drastiquement le nombre de mots tolérés. Moins de bavardage égale plus d’aciers plats. Un raisonnement de tyran, en somme.

Il s’agit donc bien évidemment d’une parabole, avec les charmes et les limites du genre. Les charmes : c’est joli, généreux, et habile. Les limites : c’est bénin, douceâtre et consensuel ; qui, et notamment quel lecteur, pourrait ne pas être révulsé par autant de bêtise mariée à tant d’oppression ?         

Ceci dit, s’en tenir au canevas d’Orsenna serait injuste : ce qui fait le fruit et la saveur de ce mince livre, ce sont les exemples qui s’y trouvent, notamment ceux liés au champ lexical de la gourmandise ; ce lettré est aussi un épicurien, et chacune de ces deux passions vient en appui de l’autre. Pour le vocabulaire aussi, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour.

 

 

 

Erik Orsenna, « La fabrique des mots », Stock, 2013.

DISPONIBLE

Lecture-loisir

Document réalisé par L. LE TOUZO, le 12 juin 2013.

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