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28 juin 2013 5 28 /06 /juin /2013 15:17

Ce qui est le plus contestable dans le dernier livre d’Umberto Eco, c’est encore son titre : en effet, seule la première partie de ce recueil assez disparate d’essais, qui en compte quatre, peut raisonnablement y souscrire. Mieux eût valu, comme il l’a fait pour un autre volume, parler de « promenades dans les bois du roman et d’ailleurs ». Ces textes, en effet, qui sont des communications universitaires rédigées en anglais (quand sa langue maternelle, et bien entendu, celle de ses romans, est bien évidemment l’italien) alternent avec le savoir-faire du brillant causeur qu’est cet universitaire transatlantique, docteur honoris causa de tout ce qui existe en  matière de facs de pointe, entre analyses érudites et malicieuses de chefs d’œuvre de la littérature mondiale, et récits tirés de ses propres romans.

Le résultat n’est pas inintéressant, quoiqu’assez superficiel. Ce n’est pas dans ce livre que le lecteur découvrira la martingale pour écrire un chef- d’oeuvre. Ni même un best-seller. Mais le discours d’Eco, s’il n’est pas dans ce genre de récréation d’une densité à clouer le bec à un jury de thèse, ne manque cependant pas d’attraits : l’érudition est au premier rang de ceux-là. Eco a tout lu, la crème de la crème, le second rayon et le fond de la gamelle. Par ailleurs, il n’est pas dépourvu d’un humour discret qui aide à suturer ses raisonnements, pour le coup peu resserrés.

Mais ce sont encore les aveux et découvertes sur les mécanismes de sa propre imagination qui nous offrent les aperçus les plus intéressants – et ce, même si l’on n’est pas familier, et encore moins ébloui, par l’œuvre romanesque d’Eco. Ainsi nous apprend-il au passage le rôle d’un fort vieil exemplaire d’Aristote, mystérieusement souillé et empoisonné, qui est l’un des ressorts dramatiques principaux du « Nom de la rose ». Il croyait, pour concevoir cet épisode, avoir simplement utilisé les ressources de son imagination fertile.

Quelle ne fut pas sa surprise lorsque, des années plus tard, il découvrit dans les replis masqués de sa bibliothèque personnelle un exemplaire en tous points semblable à celui décrit dans son roman mondialisé. Il l’avait acquis durant sa jeunesse impécunieuse, puis complètement oublié. Ainsi ce qui semblait être le fruit d’une imagination féconde n’était en définitive que le produit d’une mémoire déréglée. Tels sont les paradoxes et, finalement les charmes de la littérature.

 


Umberto Eco, « Confessions d’un jeune romancier », Grasset, 2013.

DISPONIBLE

Lecture-savoir

Document réalisé par L. LE TOUZO, le 19 juin 2013.

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