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23 décembre 2010 4 23 /12 /décembre /2010 14:17

news-prix-medicis-copie-copie-1.jpg    Bonne nouvelle : les lettrés ont définitivement cédé la place aux littéraires. Tandis que les premiers, enragés d’avoir greffé et construit un pouvoir à partir de leur savoir, s’avèrent, logiquement, inconsolables et derechef hargneux de voir le respect universel ne plus accompagner le moindre de leurs caprices, les seconds se foutent bien du social, des privilèges, des prestiges et des pouvoirs, et se contentent (?) d’une vie irradiée de l’intérieur par tant de bonheur de lecture(s). Sollers, Quignard, Finkielkraut, se complaisent dans leurs personnages prévisibles de grand-pères acariâtres ; nettement plus jeunes, Lambron, Dantzig et maintenant Frédéric Schiffter s’exaltent dans le secret de leur cabinet du commerce des grands auteurs, ou même seulement des bons. Si c’est un trait d’époque, l’état-civil n’est pas seul en cause, puisque plus âgé qu’aucun des lettrés, Bernard Frank est l’indubitable grand- oncle, décontracté jusqu’au j’men-foutisme, et digressant jusqu’au hors-sujet, des littéraires.

Aussi mélancolique et mécontent que son alter ego littéraire est virtuose, primesautier et roboratif, Schiffter évoque néanmoins ce que pourrait être, par impossibilité, un Charles Dantzig philosophe, et - conséquence ou consécution ? - assombri. Ainsi cette « Philosophie sentimentale » lui permet-elle d’écrire, d’une plume nonchalante, inspirée et lumineuse, une sorte d’autobiographie oblique et émue, griffonnée dans les marges des livres de sa vie. De Schopenhauer à Clément Rosset, de l’Ecclésiaste à Montaigne, il délivre une superbe leçon existentielle - tout le contraire d’un cours magistral... - de lecteur retiré de ce monde inaméloriable, retranché de tout ce qui n’est pas le bonheur irréconcilié d’un lecteur paresseux et farouche, et cependant (?) de haute volée. Rarement professeur aura-t-il assumé avec tant d’allègre ostentation son refus des servitudes de son métier, passe encore, et même de ses gloires ; ce livre est à fortement déconseiller, pour le dire suavement, aux parents d’élèves ayant déjà une dent contre l’Education Nationale. Mais les pages les plus touchantes de ce beau livre d’une altière mélancolie sont celles dans lesquelles il évoque la mort prématurée de son père, qui fit de lui un orphelin précoce, et, conséquemment, un irréductible réfractaire à toutes les multiples consolations dont se prémunissent ceux qui de philosophes se font bobologues, dans un mouvement intéressé qui est l’exact contraire du chemin menant des lettrés aux littéraires. Un antidote salubre, amer et corsé, aux sucreries dont sont prodigues les fausses valeurs de l’époque, apprentis gourous (mal !) déguisés en hommes de culture.

        

Frédéric Schiffter, « Philosophie sentimentale », Flammarion, 2010.

Lecture-savoir.

DISPONIBLE.

Document réalisé par L. LE TOUZO, le 7 décembre 2010

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commentaires

Q
<br /> Un joli portrait drôle et superficiel de Frédéric Schiffter - philosophe sans qualités,<br /> sur http//banquetonfray.over-blog.com/<br /> <br /> <br />
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