Le rock en 2010 est empreint d’un charme paradoxal : tandis que ceux des indiscutables rock stars qui n’ont pas prématurément rejoint le Hall of Fame de Saint Pierre - disons, parmi les survivors, Dylan, Jagger, MacCartney - approchent dangereusement les 70 balais, les enfants du rock, largement quinquagénaires, cultivent eux-mêmes l’art d’être grand-père : il sera question ici d’Antoine de Caunes, mais Bayon, Eudeline, Bon, Lambron, Assayas sont depuis bien loin échappés de l’adolescence, s’ils sont tous de diverses manières restés fidèles à l’énergie électrifiée, signe astral de leurs destinées, par laquelle se seront jadis embrasées leurs vies.
Sous la plume alerte et vive de l’ex-« Rapido », ce « Dictionnaire amoureux du rock » ne dépare pas une collection qui est la plus belle réussite de l’édition française contemporaine. Si son Panthéon littéraire ne casse pas trois cordes de Stratocaster - Dard, Djian, Aymé, bof bof bof -, ce n’est pas très grave, dans la mesure où il parvient avec fougue et drôlerie à communiquer son enthousiasme argumenté pour cette musique, qui de jeunesse du monde sera devenue, « des ans l’irréparable outrage », la bande-son sépia de nos vies à (presque) tous. Allergies - rares - et admirations - nombreuses - éclairent d’un subjectivisme parfaitement assumé et déplié, et donc irrécusable, cette cathédrale luxuriante et foisonnante, selon un principe sain, et appliqué avec rigueur : un cheval d’anecdotes in vivo, pour une alouette d’érudition in vitro. Tout le contraire du terne musée déférent que François Bon aura érigé aux Stones.
Ainsi ce dilettante fils de, qui ne m’a jamais bluffé comme acteur ni (encore moins) comme cinéaste, complète-t-il sa trajectoire en signant ce très bon livre d’amour, de gratitude, et d’exaltation. Et même lorsqu’il se met littéralement martel en tête, oubliant la musique de U2 pour dessouder la prédication histrionesque de Bono, difficilement contestable, même par les fans (j’en suis), en mettant de côté disques et chansons, il le fait avec humour, rapidité et juste ce qu’il faut de mauvaise foi inentamable. Un pamphlet de dix pages, mais sans hargne, qui m’aura fait sourire sans pour autant me contraindre à déroger à ma short-list irréfragable.
Il est vrai qu’à l’inverse une icône illumine ces pages : Springsteen, dénommé, avec une obstination digne de meilleures causes, Bruce. Il faut dire aussi que, producteur précurseur à la télé frenchy, De Caunes a rencontré quasiment tout ce qui compte dans le Panthéon rock. Tableau de chasse impressionnant, dont il parle sans affectation, à l’inverse du pauvre Philippe Manœuvre, prisonnier jusqu’à la mort de (et dans) sa caricature. Cet excellent livre, c’est avant toute chose l’excellent choix d’un directeur de collection au taquet.
Antoine De Caunes, « Dictionnaire amoureux du rock »
Plon, 2010.
DISPONIBLE.
Document réalisé par L. LE TOUZO, le 7 décembre 2010
/fdata%2F3716062%2Favatar-blog-1147088097-tmpphpSqOVMk.jpeg){kind=avatar}