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25 mai 2010 2 25 /05 /mai /2010 10:41

Les trois quarts des américains vivent à moins de cent kilomètres des côtes. Oui, mais lesquelles ? Car on se condamne à ne rien comprendre à l’imaginaire américain, et à la manière dont il est structuré, si l’on oublie que chez nous le centre de gravité du loisir et celui de la culture ne sont distants que d’une douzaine de stations de métro ; aux Etats-Unis, un continent grand comme un océan les sépare. Pour un Elia Kazan, par exemple passer de Broadway à Hollywood, cela aura été avant toute chose sept heures de décalage horaire, sans compter la course vers le Sud.

Cette tension se retrouve en littérature : le côté de Fitzgerald, raffiné mais snob, ou le côté de Hemingway, efficace mais brutal. La crème de la crème étant ceux qui, de Faulkner à Philip Roth, auront su ne pas perdre le fil narratif dans le labyrinthe réflexif. Dos Passos, John Cheever, Flannery O’Connor, Updike, Richard Ford, il y en a, il y en a, qui ont tenu les deux bouts de la chaîne. Professeur d’Université et romancière ultra-sophistiquée, Joyce Carol Oates n’a pas grand chose en commun avec la virilité et la vitalité pareillement hâbleuses de « Papa ». Elle sait en revanche harmonieusement alterner les registres, comme ceux qui ont beaucoup lu et peu vécu.

« En fuite » est une très courte nouvelle qui a paru dans « The Yale review ». Une femme blanche, démocrate, tolérante, d’origine quaker, épouse un noir dont elle est follement amoureuse. Mariage métissé, prospère et protégé ; tous deux sont diplômés, belles situations, beaux enfants, neuf années de bonheur. Et soudain, le cadet de son mari, pré-délinquant en cavale, rapplique. Et l’épouse comprend alors que ce bonheur qu’elle avait cru inoxydable ne tient en réalité qu’à un fil, et que de si dissemblables racines sourdent de terribles menaces pour les couples apparemment le plus unis. Très beau texte, en clair-obscur, d’un très bel écrivain, raffiné, nuancé, subtil.

Que manque-t-il alors à J.C. Oates pour accéder à la catégorie supérieure ? Peut-être une once d’humour, un zeste de dérision. Tous les majeurs énoncés dans ce Panthéon subjectif et lacunaire le savent : la vie n’est pas qu’une vallée de larmes, c’est aussi, et en même temps, un conte à dormir debout, et une fable à pleurer de rire.

 

Joyce Carol Oates, « En fuite »

in « Vous ne me connaissez pas », Philippe Rey, 2006.

DISPONIBLE

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Document réalisé par L. LE TOUZO, le 11 mai 2010

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