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25 mai 2010 2 25 /05 /mai /2010 10:48

Entre œuvres qu’eussent dû oblitérer et qu’auront finalement obéré leurs légendes, on se comprend. De même que le meilleur texte bref jamais consacré à Sartre aura été signé par Françoise Sagan, le meilleur article jamais écrit sur l’inséparable amie de Bernard Frank aura été rédigé, en 1974, par Antoine Blondin. « Quand cessera-t-on, écrivait-il alors, de poser à cette personne rustique, ou à tout le moins profondément enracinée, les questions qu’on réserve aux grands malades, aux prévenus notoires ou aux contribuables prépondérants, pour s’aviser du respect humble et passionné qu’elle voue à la littérature, de sa vocation lyrique, et qu’à toutes les aventures elle préfère la promenade hasardeuse où deux mots qui se croisent vous montrent le chemin du bonheur d’expression ? » 

En effet, cette légende qu’elle aura, selon son mot, « porté comme une voilette », à la fois l’aura protégé, comme le fait souvent un succès précoce, et dissimulé aux yeux des littéraires, qui prenaient argument de cette notoriété prétendument de mauvais aloi – mais en est-il de bon ? – pour négliger de la lire, alors qu’elle était des leurs, plus que quiconque. La nouvelle qui ouvre ce recueil – paru l’année d’après le blondiniste papier - et lui donne son titre, « Des yeux de soie », est exemplaire du mélange de tact et de talent qui sera sa signature. Un week-end de chasse, un quadragénaire quelque peu désemployé, amoureux de sa femme, que courtise l’éternel et quelque peu convenu meilleur ami rongé de lubricité. Aussi le principal protagoniste décide-t-il de profiter de la chasse à l’isard pour faire passer son rival de vie à trépas. Mais l’homme de fer hésite, et renonce à tuer jusqu’au superbe animal qui était le prétexte de cette chasse violente et douce, ce qui attendrit l’épouse fugitivement traversée par la perspective d’être volage. Tout est bien qui finit bien, en somme.

Comme d’habitude, dans cette nouvelle, la littérature de Sagan s’avère simple, tendre et émouvante comme un vol d’oies sauvages dans un crépuscule irisé, ces jours heureux d’automne semblant durer toujours, où le ciel est clair, l’horizon proche, et l’avenir une question trop métaphysique pour la sensualité satisfaite du promeneur.

 


Françoise Sagan, « Des yeux de soie »

in « Des yeux de soie », Julliard, 1975.

DISPONIBLE

Lecture-loisir.

Document réalisé par L. LE TOUZO, le 11 mai 2010

 


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