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3 avril 2010 6 03 /04 /avril /2010 10:33

Son image ayant été engloutie par la philosophie et surtout submergée par la politique, on oublie parfois que Sartre a commencé par la littérature. A vingt ans, il voulait « être à la fois Stendhal et Spinoza » - ce qu'il aura finalement, largement réussi. Mais le début se fit du côté de Stendhal. Et si le « factum sur la contingence » qui allait devenir « La nausée » aura été son premier projet d'envergure mené à son terme, c'est par la publication d'une nouvelle dans la N.R.F. qu'en 1937 son nom apparaît dans les cercles littéraires. Il aura été ensuite requis par de plus urgentes (?) causes, mais son unique recueil de nouvelles, « Le mur », publié en 1939, donne à regretter qu'il n'ait pas persévéré dans cette voie : la forme brève sied à son talent, ramassé, fulgurant, soudain – brutal, même.

Deux nouvelles sur lesquelles je reviendrai se taillent la part du lion dans ce recueil : la première « Le mur », qui lui donne son titre, et la dernière, la plus longue, la plus célèbre aussi « L'enfance d'un chef ». Pour l'heure voici « Erostrate »; il s'agit d'un homme sans qualités, petit employé de bureau, Paul Hilbert, chétif et hargneux, possédé par une rage incommensurable contre le genre humain. La nouvelle est le récit de son projet de tirer au revolver dans la foule, au hasard : elle se veut peut-être une illustration sarcastique d'une phrase célèbre et particulièrement malencontreuse d'André Breton, selon lequel ce comportement était « l'acte surréaliste le plus simple ». Cependant, si « Erostrate » traverse et déplie les thèmes chers au jeune Sartre – l'humanisme, la littérature, l'aristocratisme, la sexualité détraquée -, ce texte offre aussi une étrange résonance contemporaine. Elle semble indiquer que dans la rage de notoriété à tout prix qui dévore et parfois déchire notre société, s'alimente une immense rage de tous contre tous. Le meurtre plutôt que l'anonymat ? 1939, ou 2010 ?

Sartre nouvelliste, c'est vraiment l'anti-Morand . Il enchante moins par sa virtuosité qu'il n'interpelle par sa profondeur. Brillant et superficiel, ou terne – mouais, par rapport à Morand, peut-être ; par rapport à Camus... - et dense. Il y a plus d'une demeure dans la maison de la nouvelle.


Jean-Paul Sartre, « Erostrate », in « Le mur », Gallimard, 1939.

DISPONIBLE

Lecture-vacances

Document réalisé par L. LE TOUZO, le 10 mars 2010

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