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7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 17:02

      Jérôme Garcin est un acteur majeur de la vie culturelle qui, pour employer le vocabulaire équestre qui lui est cher, ne manque pas d’assiette. Du « Nouvel Observateur » au « Masque et la Plume », en passant par dix autres belvédères confortables, il est l’un de ceux qu’il est convenu de nommer incontournables, terme d’autant plus adéquat qu’il s’agit d’un périmètre étroit et peu aéré. Ce n’est pas plus mal : cela lui évite les aigreurs vacillantes de ses aînés, qui identifient le déclin des lettres françaises à leurs propres déconvenues narcissiques. Garcin aime admirer, et sait le dire dans une prose élégante et cambrée.

Il ajoute à ces belles qualités un souci et un sens de la mémoire (et de la dette) que j’irai jusqu’à qualifier, une fois n’est pas coutume, d’abusif. « Son excellence Monsieur mon ami » illustre, tu m’étonnes, mon propos. Il s’agit du portrait mi-indulgent mi-narquois de son ami intime et aîné de trente ans, François-Régis Bastide (1926-1996). Abusif ? Il ne semble pas, en effet, ni à la lecture - méticuleuse - de ces pages émues, ni à celle - distraite - du protagoniste, que FRB ait été injustement oublié. C’est le prototype de l’écrivain se goinfrant d’honneurs, jusqu’à être nommé ambassadeur, Mitterrand regnante, tout en encombrant les librairies de récits mièvres et anodins. Rien de déshonorant, certes, mais si la littérature c’est ça, je suis King Kong.

Deux livres, masqués, se dessinent sous le premier, revendiqué, qui est une reconnaissance de dette douce-amère, envers cet oubliable oublié. Le premier est un autoportrait oblique et crypté, Garcin ayant quasi « hérité » de Bastide la direction du « Masque ». Texte touchant et réussi, dans la mesure où je préfère le portraitiste au portraituré. Le second, moins parfumé, qui rejoint le livre récent de Lindon, est une description mi-navrée mi-complice des mœurs désolantes de l’intelligentsia, qui à elle toute entière possède  moins de vertus morales que 23 pousseurs de ballon dans un bus : la scénographie littéraire, plutôt que la littérature. On y apprend que Tartemuche et Tartemolle sont fâchés à mort, d’une mort qui, à la différence de l’autre, n’a rien d’irrémédiable, mais sur ce qu’ils ont écrit, mystère et boule de gomme. Ou que « L’évènement du jeudi » (où Garcin officia de 1984 à 1994), c’était la cour des Médicis - ce point m’avait échappé, je n’y avais vu qu’un endroit bruyant et mal éclairé. 

Si un lettré est un être crispé fort préoccupé de préséances et de protocoles, tandis qu’un littéraire est un amoureux décontracté des mots et un intoxiqué souriant des métaphores, alors ce livre est le portrait d’un lettré par un hybride, ce qui marque à la fois son charme et sa limite, croyez-en un littéraire - ou qui voudrait l’être.

 

 

Jérôme Garcin, « Son excellence monsieur mon ami », Gallimard, 2008.

DISPONIBLE.

Lecture-loisir.

      Document réalisé par L. LE TOUZO, le 8 avril 2011

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