Né en 1983, Vincent Message est professeur d'Université. Les déplorants qui aiment à peindre une jeunesse aphasique et illettrée – ce qui est aussi malin que de prétendre que tous les vieux sont des clones d'Eugène Saccomano – ignorent sans doute jusqu'à son existence. Rien de plus logique : son premier roman, « Les Veilleurs », ample et magistral, invalide à lui seul cette idéologie délétère et complaisante. Pour soutenir que le littérature française est à bout de souffle, il faut et il suffit de n'en pas lire souvent. De toute façon, l'application schématique et butée de concepts aussi propres à la nuance que déclin ou décadence – ou, mais c'est plus rare, progrès – est absolument inappropriée en art : elle indique à elle seule qu'il ne s'agit pas de décrire mais d'éditorialiser.
La force énorme de ces « Veilleurs », c'est qu'il s'agit d'un suspense érudit et ludique, qui a la vertu seconde de faire réfléchir, mais dont le récit – admirable de maîtrise - est mené à bride abattue. Le noyau de l'histoire est en effet une enquête policière, qui se déroule dans un futur proche, et dans un peu riant pays, société de contrôle et compagnie. Nexus est le héros du livre, et l'auteur d'un crime d'amnésique : il a tué, au hasard dans la rue – encore ! - trois personnes, dont la maîtresse du Président, et ne se souvient de rien. Hasard malencontreux ou crime politique ? Un policier et un psychiatre mènent, de front, l'enquête. Pages superbement serties sur la vie privée des principaux protagonistes, avec en surplomb omniprésent, le Président irrité. Les rêves de Nexus – incroyablement précis - deviennent peu à peu le principale pièce à conviction de l'enquête. Roman triplice, policier, psychanalytique, subrepticement politique, « Les Veilleurs » passionne, convainc et interroge. Une réussite presque incroyable pour un premier roman, et le meilleur livre de l'année 2009, ex aequo avec « L'encyclopédie capricieuse du tout et du rien » de Charles Dantzig.
Vincent MESSAGE, « Les veilleurs », Seuil, 2009.
DISPONIBLE.
Lecture-savoir.
Document réalisé par L. LE TOUZO, le 26 mars 2010